Si on vous demande une entreprise pionnière du bien-être au travail, à qui pensez-vous ? Google ? Apple ? Vous avez tout faux ! Ce n'est pas du côté de la Silicon Valley qu'il faut regarder, mais du Nord de la France, il y a deux siècles.
Hébergement, garderie, école, théâtre, potager, piscine... En 1870, l'industriel français Jean-Baptiste André Godin crée la Familistère de Guise. Il connait bien les conditions de travail éprouvantes des ouvriers et décide alors de construire toute une ville pour les accueillir avec leur famille. Un véritable avant-gardiste.
Et depuis ? Retour sur l'évolution du bien-être et du sport en entreprise.
Le sport pour divertir les collaborateurs
Entre 1840 et 1900, les entreprises commencent à imaginer des solutions pour encourager la pratique sportive. Les usines Peugeot proposent, par exemple, à leurs ouvriers de pratiquer la gymnastique, le football, l'athlétisme, le rugby, et même le tir. D'autres entreprises font le pari de s'associer à des clubs sportifs, notamment Fiat qui rachète la Juventus de Turin. Toutes partagent un même objectif : divertir les ouvriers pour mieux les fidéliser.
Si beaucoup d'entreprises font de le choix de se tourner vers les championnats, trophées, opens et autres challenges sportifs, d'autres encore décident de créer leurs propres associations sportives. Apparaissent par exemple l'Union vélocipédique de la Banque de France, la Société des cyclistes coiffeurs-parfumeurs, l'Association de football du Bon Marché et le Cross du Figaro.
Suite à l'adoption de la loi de 1901 sur les associations, nait la Fédération sportive athlétique socialiste (FSAS) qui vise à encadrer le sport en entreprise en procurant à l'ouvrier "une distraction facile et peu coûteuse" et en encourageant son "développement physique et surtout l'hygiène en plein air". Plus tard, en 1919, lui succèdera la Fédération Sportive du Travail (FST).
Le sport pour soigner les corps et augmenter la productivité
Lutter contre l'épuisement physique des ouvriers
Alors que le taylorisme et la crise économique marquent les années 30, les entreprises entreprennent de lutter contre l'épuisement de leurs ouvriers (causé par les gestes répétitifs du travail à la chaîne) et créent des pauses sportives. C'est le cas notamment d'IBM et Esso où l'on cherche à décontracter les muscles et les articulations des ouvriers grâce à l'activité physique.
Le sport comme vecteur de prestige et de croissance
En France, le sport devient un enjeu capital pour "le redressement de la nation", après la Seconde Guerre Mondiale. On recommande de "prévoir six heures hebdomadaires d'éducation physique", "dont la moitié sur les heures de travail" (selon une ordonnance officielle). On loue alors ses bienfaits pour le prestige et la croissance des entreprises.
Naissance du concept de Qualité de Vie au Travail
Dans les années 40, émerge la médecine du travail. Une loi de 1942 impose la mise en place de ces services en entreprise, et les spécialistes deviennent alors les nouveaux ambassadeurs du bien-être auprès des salariés. Eric Trist, cofondateur du Tavistock Institute de Londres, évoque pour la première fois le concept de Qualité de Vie au Travail dans les années 50.
Plus tard, dans les années 80, des nouvelles activités sportives apparaissent en entreprise pour suivre la santé physique et morale des collaborateurs. Grâce aux diagnostics effectués, des parcours de santé personnalisés leur sont proposés.
Le sport comme vecteur de bien-être en entreprise
Sédentarité, burn-out et stress : les nouveaux maux des travailleurs
Le monde du travail se transforme à la fin du XXè et début du XXIè siècle : les métiers manuels laissent place aux métiers cadres. Avec la tertiarisation de la société arrivent de nouvelles maladies. Les collaborateurs se dépensent moins au travail et sont épuisés moralement. Apparaissent alors le burn, le bore et brown out. En 2019, 7 salariés sur 10 déclarent trouver le travail "nerveusement fatiguant" à cause de "l'ubérisation, la digitalisation et la fragmentation des tâches" selon un baromètre Ifop.
Le sport, vecteur de bien-être au travail
Les ressources humaines doivent donc répondre à ces nouvelles problématiques. Un management du bien-être s'organise avec la création, dans certaines entreprises, de postes de Happiness Officer, chargés de veiller au bonheur des collaborateurs. En 2015, avec la loi Rebsamen, le concept de Qualité de Vie au Travail est même ajouté au code du travail.
Cette recherche du bien-être favorise l'essor de nouvelles pratiques plus douces comme le yoga, la méditation et la marche, ou plus collectives comme les activités de teambuilding, les challenges, les cours organisés en entreprise.
Progressivement, l'entreprise devient un lieu de développement du bien-être dont on attend l'épanouissement mental et physique.
Rédactrice web, ex Content manager @ Sport Heroes